Se tenir debout pour l’inclusion.
« Mon entrevue avec Swiss Chalet a été plus difficile que n’importe laquelle de mes entrevues auprès de cabinets d’avocats », a déclaré Hadiya Roderique, avocate, rédactrice et conférencière de marque au Sommet des employeurs d’Embauche Immigrants Ottawa de 2018.
« Chez Swiss Chalet, on m’a posé des questions relativement à mes objectifs de carrière, et on m’a fait faire des maths. Lors d’un de mes entretiens pour une école de droit, nous avons discuté de hockey et de chaussures pendant 20 minutes, et j’ai été rappelée. »
En novembre 2017, Mme Roderique a rédigé un article intitulé « Black on Bay Street » qui a été publié en première page du journal Globe and Mail. Elle relate ses expériences de racisme et de discrimination dans des cabinets d’avocats et souligne que les milieux de travail ont encore beaucoup de chemin à faire avant de devenir véritablement inclusifs.
Au cours de la première semaine, l’article de Mme Roderique a été partagé 13 000 fois sur Facebook et la vidéo a été visionnée environ 200 000 fois. Son histoire interpelait les gens.
« Cela m’a fait réaliser que beaucoup de gens n’ont pas l’impression qu’ils sont à leur place dans leur milieu du travail. Ceci ne s’applique pas seulement aux immigrants, aux personnes de couleur ou aux femmes. Quand vos employés ressentent cela, vous ne tirez pas le meilleur d’eux et c’est bien dommage. »
« L’argumentaire pour la diversité et l’inclusion me dérange. »
Étant donné qu’aucune recherche ne démontre que l’intégration de femmes et de membres de minorités à des postes de direction nuit au rendement, alors pourquoi avons-nous à prouver que l’inclusion de ces groupes constitue une bonne idée?
Pourquoi devrions-nous justifier leur inclusion? En ce sens où la parité devrait constituer la norme, n’est ce pas la tâche de l’entreprise de justifier plutôt l’exclusion de ces groupes particuliers?
« Il est temps que nous commencions à répondre aux questions sur la diversité et l’exclusion, » a déclaré Mme Roderique. La recherche montre que les entreprises dont aucune femme ne siège à leur conseil d’administration, de manière générale, affichent des rendements inférieurs comparativement à celles qui ont des femmes occupant ces postes.
« En tenant compte de ces renseignements, pourquoi ne questionnons-nous pas ces entreprises à savoir quelles sont leurs raisons pour n’avoir que des hommes occupant ces postes supérieurs? On nous demande souvent quel avantage peut-on tirer d’avoir des femmes occupant ces postes? En fait, la question est plutôt : quel est l’avantage de tenir les femmes à l’écart? »
Éliminer les préjugés lors de l’embauche
En réfléchissant à sa propre expérience, Mme Roderique a fait part de sa rencontre avec une intervieweuse qui ne posait pas de questions normalisées lors de leur entretien, mais qui demandait plutôt aux candidats de « raconter leur histoire ».
Mme Roderique s’est alors interrogée sur ce en quoi consistait une bonne histoire? À l’inverse, en quoi consistait une mauvaise histoire? L’intervieweuse, mal à l’aise avec sa réponse, a évoqué son désir d’embaucher des candidats qui travaillaient fort pour parvenir à leurs fins, peut-être en ayant occupé un boulot tout en poursuivant leurs études – par exemple, elle-même avait travaillé dans un bar tout au long de ses études.
« Alors, vous cherchez des gens qui vous ressemblent? » demanda Mme Roderique.
Lorsque vous devez expliquer votre raisonnement décisionnel à quelqu’un, et préciser pourquoi vous préférez John à Jamal, cela vous rend plus prudent lors de votre prise de décisions.
À l’issue de votre processus d’embauche, si vous deviez fournir aux candidats des commentaires quant aux raisons pour lesquelles ils n’ont pas été retenus, seriez-vous en mesure de le faire? Que diriez vous? Si vous ne pouvez pas répondre à cette question, a-t-elle dit, votre processus a besoin d’être peaufiné.
La discrimination ne se traduit pas toujours par des gestes évidents.
La discrimination peut être subtile, normalisée et ignorée et, dans de nombreux cas, plus percutante que certains gestes évidents. II s’agit de rappels constants que vous êtes différents et que vous n’êtes pas à votre place.
S’appuyant sur l’exemple d’une autre personne, Mme Roderique a déclaré qu’au cours de sa première semaine de travail au sein d’un cabinet d’avocats, elle possédait une nouvelle mallette et portait une nouvelle tenue, et elle était très fière de son apparence. Dans l’ascenseur, une femme lui a demandé pour qui elle travaillait. Elle avait présumé que Mme Roderique était une assistante.
« L’un des aspects les plus difficiles à propos des micro-agressions se déroule quand les autres demeurent silencieux. Vous commencez à vous demander si tout cela n’est pas juste dans votre tête. »
« La diversité présente au Canada est très précieuse », a assuré Mme Roderique. « Mais trop souvent, nous essayons de faire en sorte que tout le monde ressente la même chose ou alors nous prétendons que tout le monde est pareil. »
Nous devons mettre en évidence nos différences et ne pas les cacher. La diversité peut constituer notre plus grande force si nous la reconnaissons et l’acceptons.
Comment améliorer les choses?
Mme Roderique a fourni aux participants des suggestions de mesures concrètes à mettre en place dans leur milieu de travail afin d’engendrer des changements.
Comment modifier vos processus d’embauche afin d’éliminer les préjugés?
• Faites-en un défi de conception. Les gens aiment s’impliquer dans le but de résoudre des problèmes intéressants. Déterminez qui, au sein de votre organisation, pourrait trouver des solutions afin d’enrayer les préjugés présents dans vos processus d’embauche.
• Utilisez des logiciels et des outils d’analyses pour vous aider à trier les CV. Il est difficile de déterminer si vous faites face à un problème si aucune forme de suivi n’est effectuée. C’est pourquoi le suivi des progrès vers l’égalité des sexes et l’égalité raciale, avec des chiffres à l’appui, est essentiel parce qu’il est plus facile de gérer ce que nous sommes capables de mesurer.
• Réfléchissez aux renseignements que vous avez vraiment besoin de connaître sur la personne que vous embauchez. Est-il nécessaire de savoir que la personne était la présidente de l’Association des étudiants noirs, ou simplement qu’elle occupait un poste de haut niveau dans un club qui organisait des activités réussies?
Quels gestes de marginalisation sont communs et problématiques?
• Le fait de dire : « Je ne vois pas la race ni la couleur. » Nous avons tous des yeux, et cela signifie que vous niez le fait que j’ai une réalité différente. Vous niez aussi le fait que ma couleur de peau a une incidence sur ma façon de vivre. Je me souviens de la couleur de ma peau tous les jours. Probablement toutes les heures.
• Les Olympiades de l’oppression. Le fait de déclarer : « Au moins, ça n’est pas aussi désagréable que la situation des femmes en Arabie Saoudite! » Il s’agit d’une tentative de banaliser; le fait qu’il existe de l’oppression ailleurs ne signifie pas que la personne se sent moins opprimée dans sa situation actuelle.
• Nommer quelqu’un comme porte-parole d’un groupe minoritaire identifiable. Par exemple, le fait de demander : « Qu’est-ce que les Noirs pensent de cela? » Eh bien, puisque je ne les connais pas tous, je ne peux pas parler en leur nom à tous.
• Utiliser des personnes de couleur pour se justifier et se défendre : « Eh bien, je ne peux pas être X, car j’ai un ami noir. »
Comment pouvez-vous être un bon allié?
• Renseignez-vous sur les formes de discrimination auxquelles sont confrontés vos collègues. Le fait de demander aux personnes de couleur d’expliquer le racisme et l’oppression peut être un geste bien intentionné, mais il peut aussi représenter un fardeau pour les communautés que vous essayez d’aider.
• Dénoncez les injustices et exercez-vous à interrompre les commentaires racistes ou sexistes. Exigez une culture de travail respectueuse pour tous vos collègues et de la part de chacun d’entre eux. Faites-le même quand ils ne sont pas présents.
• Le fait de devenir un allié montre votre grand de courage et vous pourrez mener par l’exemple. Si vous commencez à dénoncer ces comportements, cela fournira un espace sûr pour que les autres emboîtent le pas; mais il faut que quelqu’un mette les choses en branle.